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jeudi 25 juillet 2013

29 - Briançon, Février 2005

Briançon - Février 2005
Depuis quelques jours, les météorologues annonçaient n'importe quoi.

Je les ai entendus lancer des avertissements à propos du réchauffement de la planète, qui entraînerait une fonte de la calotte polaire, un risque de déséquilibre du Gulf Stream, et donc un dérèglement total du climat. Je n'avais pas tout compris, mais leur conclusion était quelque peu effrayante, si on parvenait à ne pas en rire : une nouvelle période glaciaire pourrait s'annoncer.

Je suis allé me coucher en même temps que le soleil de cette fin de mois d'août. Pendant la nuit, un vent violent s'est levé, tandis que des éclairs illuminaient toute ma maison, volets clos. Une tempête de grêle s'est abattue sur moi, et j'ai cru ma dernière heure venue tant le vacarme était épouvantable. Puis le calme est revenu, subitement.

Je me suis rendormi. Et le lendemain, quand j'ai ouvert mes volets, des étoiles de glace constellaient mes vitres, devant un paysage recouvert d'une épaisse couche de neige.

samedi 20 juillet 2013

28 - Briançon, Février 2005

Briançon - Février 2005
Il était une fois un arbre solitaire, qui ne l'avait pas toujours été et aurait mieux fait de ne pas le devenir.

Il avait grandi dans une belle forêt, entouré d'arbres tous plus majestueux les uns que les autres. Souvent, il demandait à ceux qui l'entouraient : "Qu'y a-t-il donc au-delà de notre forêt ?" Et inlassablement, tous lui répondaient : "Rien de bon n'existe en-dehors de notre forêt." Mais il ne les croyait pas, et rêvait d'ailleurs. Une nuit, profitant du lourd sommeil des autres arbres, il partit. Il marcha longtemps, longtemps, puis découvrit qu'il ne s'était pas trompé. Une grande plaine s'étendait sous ses yeux.

Il traversa la plaine, et parvint au pied des montagnes à la tombée de la nuit. Il décida alors de prendre un peu de repos. Au petit jour, il fut réveillé par des cris, et vit de drôles d'animaux à deux pattes s'approcher de lui. Heureux de cette rencontre, il s'apprêtait à leur souhaiter la bienvenue. Mais il ressentit une vive douleur au-dessus des racines et perdit connaissance.

Quand il se réveilla, il avait mal partout. Toutes ses branches avaient disparu. Et autour, d'autres arbres, dans le même état que lui. Mais quand il leur demanda ce qui se passait, pas un ne répondit. Alors il ferma les yeux. S'il avait su...

vendredi 19 juillet 2013

27 - Breil, Janvier 2005

Breil - Janvier 2005
Le village semble endormi. Mais à y regarder de plus près, il ne l'est pas.

Depuis plusieurs mois, ses habitants ont fui, le laissant à l'abandon. Aujourd'hui, seule une poignée de villageois y sont encore réfugiés. Ils sont là pour résister à l'oppression qui s'est abattue sur leur pays. Personne ne s'attendait à cette invasion brutale. Et en peu de temps une nouvelle autorité s'était installée, broyant sous sa botte toute idée de liberté. Tous les survivants ont été réunis dans les grandes villes, au sein de camps rappelant de sinistres souvenirs.

Peu ont tenté de s'évader. Sur ce petit nombre, beaucoup sont morts en échouant. Jusqu'au jour où quelques hommes, échappant à leurs poursuivants, atteignirent ce village. Une poignée jugée peu dangereuse par l'ennemi. Une poignée qui pourtant avait décidé de se battre.

Aujourd'hui, le jour se lève sur leur espoir. Aujourd'hui, ils commencent leur longue route vers la liberté.

jeudi 18 juillet 2013

26 - Mont Ventoux, Décembre 2004

Mt Ventoux - Décembre 2004
La chaleur est accablante depuis ce matin. Depuis le premier coup de pédale donné.

Ce qui a été longtemps supportable ne l'est plus, malgré tous les entraînements. Il ne reste que la douleur. Mais il s'accroche, il donne tout ce qu'il a. Peu à peu, le vide se fait autour de lui, il est seul sur la route. S'est-il échappé, est-il attardé ? Il ne sait plus. Rien ne compte désormais que d'arriver au bout. Au bout de l'étape, au bout de lui-même. Comme il l'a toujours fait, chaque fois qu'il s'est trouvé sur un vélo,

Il y a du monde sur les bords de la route, mais il n'entend rien. Rien d'autre que les battements de son propre cœur. En levant les yeux, il peut voir le sommet. Si proche, si loin. Il jette ses dernières forces dans la bataille. Un dernier virage. La ligne d'arrivée. Et son chrono qui défile, défile. Nul doute, il sera loin du vainqueur du jour.

Qu'importe. Un dernier coup de pédale le libère. La foule. Les cris d'encouragement pour lui. Car comme les autres, il a vaincu le Mont Ventoux.

mercredi 17 juillet 2013

25 - Saint Etienne, Décembre 2004

St Etienne - Décembre 2004
La neige a étendu cette nuit son grand manteau blanc sur la ville, étouffant tout bruit. Depuis, seul le silence règne.

Pas une lumière derrière les fenêtres. Pas une fumée dans les cheminées. Pas un cri d'enfant dans les rues. D'ailleurs, le sol est vierge de toute trace, comme si personne n'avait encore osé s'attribuer la gloire illusoire d'être le premier à poser le pied dans l'épaisse couche immaculée. Et le ciel en semble un écho sinistre et blafard, marqué par l'absence de nuages et d'oiseaux.

Un soleil timide finit par darder faiblement quelques rayons. Sa lumière se répand péniblement dans les rues, dévoilant peu à peu des pas venus de nulle part, surgis de l'ombre. Une piste qui va de maison en maison, sans omettre aucune porte, véritable toile d'araignée dans toute la ville.

Pourtant personne n'est entré dans la ville. Et personne n'en est sorti. Car la mort a étendu cette nuit son grand linceul blanc.

24 - Villefranche sur Mer, Décembre 2004

Villefranche sur Mer - Décembre 2004
Quand revient l'été, les bateaux fleurissent sur l'onde, en un chapelet de couleurs étincelantes au soleil.

Ils attendent patiemment que leurs propriétaires les emmènent à la découverte de la grande bleue, dans quelque voyage ou quelque exploration qui leur permettra de voir enfin un peu plus loin que ce port dans lequel ils se prélassent. Ils rêvent à des horizons nouveaux, à des mers transparentes, à des poissons exotiques, à des ciels étoilés. A des ailleurs, tout simplement.

Mais souvent l'été passe, et ils sont toujours là, leur ancre désespérément figé, immobiles malgré le vent qui souffle dans leurs voiles absentes. Leurs propriétaires sont venus les voir, de temps en temps, pour se prélasser au soleil ou se vanter auprès de leurs amis. Mais ils ne sont jamais partis.

Ils n'ont rien vu d'autre que les eaux du port. Le grand voyage, ce ne sera pas pour cette année. Peut être dans un an. Si le temps ne joue pas contre eux...

vendredi 15 octobre 2010

23 - Bougies, Décembre 2004

Bougies - Décembre 2004

Une toute petite flamme. C'est tout ce qui restait au fond de mon cœur. Elle flamba parfois, mais sans jamais durer. Elle savait, elle, que le temps n'était pas encore venu de s'embraser pour ne plus s'éteindre.

Cette petite flamme a donc attendu, patiemment, tandis que passaient les heures, les jours, les mois, puis les années. Je l'oubliais presque, et ma vie continuait sans elle, puisqu'il le fallait bien. Pourtant, certains soirs, perdu dans l'obscurité, je la sentais vivre, imperceptiblement, quelque part au fond de moi. Et l'espoir qu'un jour elle reprenne une place plus importante ne me quittait donc pas vraiment.

Et ce jour arriva. Ce jour où tu es entrée dans ma vie, une petite flamme est devenue brasier, un brasier qui ne faiblit pas avec le temps, mais au contraire grandit, rayonnant d'un éclat jamais atteint auparavant.

Depuis, ma vie n'est plus la même. Depuis, où que j'aille, j'emporte avec moi, nourri de toi et de tout ce que tu es, cette petite flamme d'espérance devenue brasier d'un amour partagé.

jeudi 7 octobre 2010

22 - Les Taillades, Novembre 2004

Taillades - Novembre 2004

La fin est proche. Ce matin, le soleil ne s'est pas levé. C'est la première fois depuis la grande catastrophe.

Mais ce n'est pas le premier signe. Chaque jour apporte son lot de surprises, et aucune d'entre elles n'en est une bonne. Hier, mon dernier compagnon d'infortune ne s'est pas réveillé, comme tant d'autres avant lui. Le jour précédent, je n'avais trouvé, en cherchant de quoi nous nourrir, qu'un vaste cimetière à ciel ouvert, où que j'aille. Je suis rentré les mains vides, à la nuit tombante...

Mais je ne veux plus y penser. A quoi bon m'attarder sur un passé révolu, quand le temps me rattrape inexorablement ? C'est une course perdue d'avance. Dans cette nuit qui n'en finira pas, j'ai pourtant décidé de mettre en marche. Je n'ai pas envie de m'asseoir et d'attendre...

Je marche depuis près de trois jours sous un ciel pur et étoilé. Il fait de plus en plus froid, et la rare végétation qui subsiste encore sur cette terre désolée se couvre de glace. Bientôt, je n'aurai sans doute plus rien à manger du tout. Qu'est-ce qui me fait tenir encore ? L'espoir qu'il y ait quelque chose, quelque part.

Mes forces m'abandonnent peu à peu. Je ne sais plus depuis combien de temps dure cette nuit. Je tombe. Quand je rouvre les yeux, une lueur vive, trop vive, me les fait refermer aussitôt. Une lueur... Je deviens fou. Je rouvre les yeux, doucement, et je regarde. Je ne peux alors réprimer un sourire. Je ne suis plus seul.

mercredi 6 octobre 2010

21 - Cannes, Novembre 2004

Cannes - Novembre 2004

Il est cinq heures du matin. Comme chaque jour, je suis sorti dans le froid, le long du sentier qui se trouve derrière la maison.

On pourrait croire que la forêt dort encore, mais il n'en est rien. Un renard s'immobilise à quelques pas devant moi, ses yeux brillants fixés sur moi, avant de reprendre sa course. Quelque part, pas très loin sur ma droite, des feuilles sèches craquent en accompagnant un animal que je ne peux identifier.

Je continue d'avancer, un peu au hasard sous ces arbres que je côtoie depuis que je suis tout petit. Je me sens un peu des leurs, je me sens un peu chez moi, dans ce monde sauvage que l'homme a oublié. Mais parce que je suis un homme, je sais que je resterai malgré tout un étranger ici. Car ici, c'est moi le sauvage.

J'avance toujours. Droit devant moi, droit vers la lueur du soleil qui se lève. J'arrive près de l'ancienne voie ferrée, qui n'a plus connu de passage de train depuis tant d'années déjà. Comme le temps passe. Mais comme chaque jour, eux seront encore là, je le sais bien. Je m'assois sur une souche et je les attends.

Alors, dans un ciel irisé de bleu et de rouge, les oiseaux prennent leur envol. Comme chaque jour. Emportant avec eux les larmes qui coulent sur mes joues.

jeudi 15 avril 2010

20 - Annecy, Novembre 2004

Annecy - Novembre 2004

La nuit est tombée depuis maintenant quelques heures, étendant sur la ville son manteau de silence et d'obscurité. Mais je ne dors pas.

Dans le noir, lentement pour ne pas réveiller les habitants endormis, j'avance au fil de l'eau, à coups de rames que je veux les plus discrets possibles. Tout est sombre, et pourtant je n'hésite pas sur ma route à suivre.

Ce soir, je vais rejoindre celle que j'aime. Déjà j'aperçois au loin la lumière de sa fenêtre, une des rares encore illuminées à cette heure. Elle m'attend. Nous bravons tous deux, tels Roméo et Juliette, les interdits de nos familles, les interdits de notre société.

Nous ne pouvons nous aimer. La loi est stricte et ne souffre pas d'exception. Mais peu nous importe. Il ne saurait rien exister qui puisse empêcher nos sentiments de s'épanouir. Nous avons choisi de vivre notre amour, sans penser aux conséquences.

Et si cet amour ne doit durer que cette nuit, qu'il en savoure chaque instant et s'inscrive dans le temps en lettres d'éternité.

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